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mardi 16 juillet 2013

La politesse.



Le mot "respect" étant vulgarisé et utilisé, selon moi, à très mauvais escient, je me plait à parler plutôt de politesse.
Parce qu'au final, ce pour quoi on milite auprès de nos chevaux sous le drapeau du respect ne va pas plus loin qu'une demande de politesse.. Et une tendance à l'intolérance à l'impolitesse.

Personnellement, je vois le respect avec un sens beaucoup plus profond que ça. Je donne mon respect à peu de gens, peu en sont dignes, le respect pour moi c'est bien sur la politesse envers autrui, mais aussi et surtout une marque de distinction. J'éprouve du respect pour une personne quand elle me donne matière à une petite forme d'admiration. Le respect c'est pour moi quelque chose qui dépasse les attitudes habituelles de politesse que nous mettons en œuvre avec tout un chacun. Une petite pointe en plus, c'est à dire qu'en plus d'être poli et de ne pas abimer tes droits, je te voue un respect, quelque chose de plus qu'aux autres.
Voilà comment je l'entend.

De notre côté, ce que nous avons tendance à demander/exiger de nos chevaux, c'est de faire preuve de politesse (incluant la sécurité) envers nous.

J'ai eu récemment le loisir de réfléchir sur ce grand point, qui revient, encore et toujours, dans les questionnements et remises en question.

J. a des notions du "respects" dans les sens "etho pratique classique" du terme. C'est à dire : "je ne suis pas un arbre", "le cheval doit rester derrière moi, ne pas dépasser mon épaule" etc..
Et puis, de mon côté, quand je travaille avec son petit bourricot, j'ai entre les mains un cheval plutôt impoli qui ne va pas hésiter à donner un coup de tête parce qu'on est sur se chemin à bousculer un peu etc..
Il est beau le respect!! On est super stricte et on demande à un cheval de marcher derrière nous, à une place bien définie, interdiction de se frotter à nous pour se gratter sous peine de sanctions, mais no problemo pour des coups de tête et bousculades une fois qu'on a "cassé" cette barrière de la bulle par faire du travail de proximité.

C'est malheureusement un non sens qu'on voit très très fréquemment avec toutes ces idéologies "éthomagiques", parce que sous tous ces beaux discours du "respect" de l'espace vital, on en oubli l'essentiel et les fondements. Sous le nom de la "sécurité", on demande à nos chevaux des choses non-naturelles (marcher derrière nous) et au final non sécuritaires, et on en oublie l'essentiel.

On va essayer de remettre un peu en ordre toutes les idées que j'ai dans la tête après réflexions, recherches, lectures :

- Non, le "respect" dans le sens où l'entendent les piétons n'est pas inné chez le cheval. Que de conneries que d'entendre "dans la nature, un dominé ne va jamais aller bousculer un dominant, sous peine de réprimandes, ils connaissent les règles"..

Plusieurs aberrations là dedans.
Soit, ça veut dire que nous nous plaçons au titre de dominant face au cheval? Dominant par rapport à quoi? Ça serait donc nous les privilégiés pour l'accès aux ressources et aux confort, lesquels?
Et dans ce cas, inutile de prôner la recherche de partenariat avec nos chevaux puisqu'on se place en tant que "dictateur", ce que sont un peu les chevaux dominants du troupeau. Ils ne sont au final pas grand chose d'autre que ceux qui ont le caractère le plus fort et qui sauront le faire entendre le jour où les ressources sont limitées.. Complètement absurde dans le cadre de notre travail.

Ensuite, personnellement j'ai très rarement vu un dominé se faire agresser par un dominant de la manière dont nous décrivent ces personnes "ils ne sont pas tendres entre eux".. Il me semble que le dominant fait toujours preuve de politesse en couchant les oreilles, en râlant et en mordant l'air, il ne se rue pas sauvagement sur quiconque aura osé le bousculer.
D'autre part, ils n'ont pas du tout le même rapport de "bousculade" que le notre, preuve en est quand un dominé vient se frotter à un dominant pour échapper aux mouches, ou quand un troupeau qui se serait trop resserré (arrivée d'un humain dans le pré etc..) se bousculent tous les uns les autres (y compris les dominés qui bousculent les dominants) pour repartir..

Dans notre condition d'humain, nous ne pourrions pas vivre sereins dans ces conditions là. Un cheval qui se frotte à nous pour se débarrasser des mouches aurait facile de nous mettre à terre sans le vouloir, un autre qui nous bousculerait pour s'en aller idem (si ce n'est pire) alors comparer les rapports "dominant/dominé" entre chevaux ça serait prendre le risque de se mettre dans ce genre de situations périlleuses?

Bref, toute cette notion de dominance "propagandé" par les diffuseurs de bonnes paroles est complètement out pour moi.


- La meilleure place du cheval pour être en sécurité?

Pour moi, c'est certainement pas derrière nous.. Que de prétention que de se dire "si il me respecte correctement, en cas de problèmes, il préfèrera m'éviter et me contourner plutôt que de me foncer dedans, bah oui, je lui laisses suffisamment de longe".. Pour moi, c'est prendre plusieurs risques inutiles. Si une explosion survient derrière le cheval, je ne parierais pas sur le fait qu'il va réfléchir à nous contourner avant de bondir.. Nous, ou qui que ce soit d'autre d'ailleurs (humain, cheval, autre animal, tronc d'arbre). Là on joue clairement notre vie avec les réflexes qui sont des choses beaucoup trop incontrôlés et incontrôlables pour se permettre de jouer, selon moi.
Ça reviendrait à vouloir contrôler un sursaut?! Impensable.. Le cheval a beau avoir toute la concidération du monde pour nous, si quelque chose provoque un réflexe vers l'avant, lui comme nous ne pouvons le contrôler.. et c'est le drame.

De plus, avoir le cheval derrière soit, c'est avoir le cheval hors de vue. Alors bien sur, ça fait classe de dire qu'on a tellement confiance en lui qu'on ne se sent pas le besoin de le "surveiller", mais en attendant c'est aussi prendre le risque que les émotions de notre loulou nous échappent.
Prenons un cheval flippé de base, qui explose facilement. L'avoir à porté de vue est quand même sacrément productif pour pouvoir décrypter le moindre stress, la moindre inquiétude, et réagir en conséquence avant que l'explosion ne se produise..

Et puis marcher ensemble dans la même direction, c'est quand même vachement plus chouette que de vouloir imposer au cheval de nous suivre en se persuadant fièrement qu'on agis en leader..


- Le leadership, parlons en!

Si il est si compliqué et dérangeant, c'est parce que le leadership ne se prend pas, ne se vol pas.
Le cheval est seul juge et seul acteur là dedans, il nous estime digne d'être suivi ou non. Bien sur, on a tout un tas de moyen de favoriser cette finalité, notamment dans nos attitudes, mais, à la fin, c'est bien le cheval qui a les cartes en mains, et ça, qu'est ce que c'est pénible pour notre petit égo!

La confiance en nous est une des rares choses qu'on ne peut pas imposer aux chevaux et c'est ce qui rend la chose compliquée voir agaçante. Jusque là, nous avons toujours trouvé des parades de contrainte, même en éthomagie, pour obtenir ce qu'on voulait. Et puis là, on cherche à obtenir quelque chose pour lequel il n'existe aucune forme d'imposition..

Quand je pense à ça, je sourie souvent en me disant "pense à une orque, pense à une orque!", c'est une des plus belles choses que m'a apporté Hélène Roche.. Cette philosophie de "imaginez que vous vous trouviez en face d'une orque de quelques tonnes au moment où vous allez demander quelque chose à vos chevaux".. ça change tout hein?!! Et bien moi je trouve ça merveilleux!! Ça a fondamentalement changé ma façon de voir les choses, de travailler, et le regard que je porte sur les chevaux avec qui je travail..


- Qu'est ce qu'il en ressort concrètement?

Pour moi je vais donc parler maintenant de politesse. Et toujours expliquer et considérer que rien est inné, tout s’acquiert.. Ainsi, quand je rencontre un nouveau cheval, je me dis qu'il n'a aucune idée de ce que j'estime être impoli, de ce qui j'estime me porte atteinte.. Tout comme moi je n'ai aucune idée de ce qu'il trouve impoli chez moi ni de ce qui l'agace, lui coûte.

Donc, on commence par expliquer gentiment et simplement "les règles" en exposant ce qui pour moi est la base de la politesse, ce que je n'aime pas, ce qui je trouve me porte atteinte, et à lui de m'expliquer aussi au fur et à mesure ce qu'il en est de son côté.

Je ne m'indigne pas d'une impolitesse qui pourtant me porte atteinte (coup de tête, bousculade) tant que je n'ai pas pris la peine de lui expliquer que cela me déplaisait. Par vigilance, je prend aussi toujours en compte qu'il s'agit d'un cheval, qu'il connait les règles générale entre chevaux, et qu'il n'a pas conscience que moi, humaine, je suis différente, physiquement, psychologiquement..
Donc si je lui demande de ne pas me bousculer, je dois aussi lui expliquer que se frotter pour se débarrasser des mouches, ou me mordiller pour jouer sont des choses que nous ne pouvons pas concevoir ensemble, parce que je suis physiquement incapable de supporter ça.

À nous de trouver des compromis pour pallier à ça, et à être toujours polie et claire pour exprimer les impolitesses ressenties.


Tout ça, c'est sur le papier, et ça sont de bien jolis mots.. À voir à la mise en œuvre sur le long terme maintenant ;)

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